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samedi 24 janvier 2009

Schiele, le peintre de la chair

 Femme nue allongée, jambes écartées -1914 - Egon Schiele

« Connaître la chair plutôt que la polir, l’effacer dans l’ornement, ou la tuer dans l’ascèse, voilà ce que, vers 1908, est la radicalité non encore nommée qui s’appellera «expressionnisme». Ce désir de connaissance sensible légitime le désir de l’artiste de blesser, démasquer, violer et détruire […] Jusqu’où le corps dans sa matérialité peut-il érotiquement irradier ? C’est ce que montre l’œuvre de Schiele qui, comme aucun autre, mêle la chair, la peau, les os, muscles, tendons en un symbole unique de désir et d’abandon physique. »

Den  Fleich erkennen,
 in Ornament und Askese, Werner Hoffmann, traduit par Jean-Louis Gaillemin.

Vienne, au tournant du XXe siècle, cité des rêves, selon les mots de l'écrivain Robert Musil, et des grands paradoxes, dont la surface aux lumineuses et séduisantes facettes promet mille divertissements enchanteurs dignes de toute métropole moderne. Mais sous ces airs de belle hédoniste, la capitale de l’empire austro-hongrois, gangrenée par la corruption, agonise dans un marasme socio-économique épouvantable.

Dans un tel bouillon caractérisé par un profond désarroi et une absolue frénésie créative, que Hermann Broch qualifiera d’Apocalypse joyeuse, s’alimentent des courants aux tendances sociales et intellectuelles contradictoires. La bourgeoisie, fidèle en apparence au vieil empereur François-Joseph, prône des valeurs traditionnelles et conservatrices tout en se vautrant dans une opulence décadente et obscène dont la permissivité favorise alors un épanouissement exceptionnel des arts, de l’architecture, la littérature, la philosophie, des sciences et des techniques.

D’extraordinaires personnalités convergent pour émerger au même moment de ce bassin en une effervescence que désignera bientôt l'expression Modernité viennoise. Sigmund Freud développe ses théories de psychanalyse ; les compositeurs Arnold Schoenberg, Anton Von Webern, et Alban Berg innovent en musique, les œuvres de Gustav Mahler puisent à ce renouveau, les littérateurs d’avant-garde Arthur Schnitzler, Hugo Von Hofmannsthal se distinguent malgré les flèches que leur décochent le redoutable polémiste et écrivain Karl Kraus ; Otto Wagner, Adolf Loos et Josef Hoffmann œuvrent à de nouveaux concepts architecturaux ; le style décoratif viennois Art nouveau et sécessionniste s’impose, emmené par Gustav Klimt, réaction contre le règne de la tradition et de l’académisme artistiques.

De cette capitale bouillonnante, de cet environnement riche d’intellectuels, foisonnant d’artistes, de sa relation privilégiée avec Klimt, s’est nourri l’art extraordinaire, ardent du jeune peintre Egon Schiele, pour parvenir à une œuvre de virtuose électrisée, à la tension exacerbée, intime, émotionnelle, charnelle, d'une puissance expressionniste incomparable, à la témérité résolue, radicalement frondeuse jusqu’au délire obsessionnel.

Au cours de sa carrière fulgurante – brutalement interrompue par son décès fin octobre 1918, quand il est victime de la grippe espagnole qui essaime alors en Europe et emportera quelques jours plus tard à Paris le poète Guillaume Apollinaire – Schiele, 28 ans, a livré au monde plus de trois milles œuvres sur papier et environ trois cents toiles. 

Telle une comète sidérante, Schiele a traversé le ciel de l’Art, à ses yeux «unique… éternel», pour le marquer à tout jamais de sa vision singulière et torturée du corps et de la chair, à la fois matière et lieu - où l’essentiel, la création, se joue, de la naissance à la mort, en passant par l’amour et toutes les formes de composition et décomposition -, mais aussi douloureuse langue symbolique qui témoigne de son immense blessure.

«Tôt ou tard, il émergera une foi en mes tableaux, mes écrits, mes mots qui sont rares mais que j’espère solides. Mes actuels tableaux ne sont sans doute que des avant-propos, je ne sais pas, de l’un à l’autre je suis si insatisfait (…) je suis devenu initié, je fais vite le compte, j’ai observé chaque énigme et tenté de l’appréhender», écrit-il en 1910 au docteur Oskar Reichel un de ses principaux collectionneurs. Il est alors âgé de vingt ans.

A partir de cette date, l’autoportrait nu était devenu un de ses axes de travail récurrents, assumant le double rôle de peintre et de modèle, à la fois narcissique et conjuratoire, pour se livrer à la pantomime de sa propre chair pathétique, celle d’un écorché vif, qui se dédouble encore, parfois dans des postures inertes, aux masques cadavériques, cerné d’une aura blanche messianique.

Déchiré par l’angoisse et la fragilité de l’existence, filtrent dans les écrits, lettres, petits poèmes et textes en prose de Schiele, deux profondes préoccupations que sont d’une part le culte de la nature et de la vie ; de l’autre, une peur insondable de ses désirs sensuels. Le peintre oscille entre la jouissance dionysiaque d’une immersion absolue, à corps perdu au cœur de l’existence et la terreur induite par l’acceptation de ses pulsions. 
Egon Schiele - 1914 - Anton Josef Trcka

« Lorsque Egon Schiele cerne d’un rouge vif l’aréole d’un sein ou les lèvres d’un sexe, et lorsqu’il peint un visage en juxtaposant des touches de carmin, de vert et de bleu, il tient un propos autre qu’illustratif. Il renoue avec un habitus très ancien qui usait d’une cosmétique pour relever la qualité érectile de certains points du corps et pour sacraliser la sexualité », note Jean Clair dans l'essai Autoportrait au visage absent

Aux yeux de l'historien de l'Art, Schiele peint le visage « comme une chair tuméfiée, faite de souplesse et de mort légère, d’attrait et de vulnérabilité, de désir et de peur. »

En pathétique Eros, aux tons grisâtre et vert de cendres, Schiele s’adonne dans cet autoportrait à une misérable masturbation - en dépit d’un phallus à la turgescence digne de Priape, d'une couleur rouge orangé, à l'incandescence volcanique, - et stigmatisée par une attitude simiesque, douloureusement loin, très loin du moindre espoir de jouissance.

«Schiele est un être à part. Ses peintures traduisent à la perfection des sensations nerveuses orientées vers la sensualité, des impressions pleines de sensibilité. Elles sont issues, et continuent toujours de procéder d’une impulsion et d’une exigence internes, elles sont pures de toute pose, de toute grandiloquence ; totalement dépourvues d’espérance, elles plaisent à ceux-là seulement qui savent encore voir des valeurs authentiques et irremplaçables dans l’expérience sensuelle d’instants secrets de notre vie, dans leur simplicité, et dans leur transposition sur la toile (…) Quant à ceux qui ne savent voir que le nu, et le nu obscène, dans les œuvres de Schiele, et rien d’autre, tant pis pour eux, car la sensibilité de chaque être humain est une composante intrinsèque de sa nature», asséna dans un article de mars 1911 Arthur Roessler, devenu son mécène-collectionneur après l'avoir révélé la même année.

De cette lutte intérieure témoigne aussi l'émouvante petite pièce écrite en prose par Schiele, en guise d' « Autoportrait : rêver éternellement, gonflé d’une surabondance de vie – sans cesse – avec d’horribles douleurs au-dedans de l’âme – flamboie, brûle, aspire au combat, - spasme – soupeser – et follement animé d’un désir fou – penser est une torture impuissante, il est vain d’essayer de forger des pensées. - Parle le langage du créateur et donne. – Démons ! Rompez la violence – votre langage, - votre signe, - votre force. »

« [La] dimension religieuse atteinte par cette reconnaissance de la chair provient du catholicisme autrichien qui a  pris à la lettre l’Evangile selon Saint-Jean. Le Logos dans cette culture (aspect qui en se retrouve ailleurs qu’en Espagne) est devenu chair et a résisté à l’ascèse de l’abstraction (…) Ici l’acte de création artistique est porteur d’espérances de salut », estima le critique Werner Hofmann.

Schiele avait été profondément marqué, tout jeune, par la mort de ses frères et sœurs, et surtout à l’adolescence par le décès, sous ses yeux, de son père atteint de syphilis, et qui avait auparavant perdu la raison. Une disparition qu’il ne peut accepter, d'autant que sa présence le hante, qu'il continue de dialoguer avec ce père qui, la nuit, le visite.

« Regarde-moi, Père, moi, toi qui es pourtant là, embrasse-moi, donne-moi le proche et le lointain, monte et descend sans cesse, Monde. Etends maintenant tes nobles os, prête-moi une oreille tendre, tes beaux yeux bleu pâle. C’était bien, comme ça père, devant toi, je suis. »

Il confie aussi dans une lettre à son ami, le peintre Anton Peschka, que sa sœur favorite « Gerti elle-même ne sait pas les souffrances psychologiques» qu’il doit endurer.
 « Je ne sais pas s’il y a quelqu’un au monde qui se souvienne avec cette mélancolie de mon noble père ; je ne sais pas si quelqu’un comprend pourquoi je cherche justement ces endroits où fut mon père, où je puis éprouver cette douleur  volontairement pendant des heures entières. Je crois à l’immortalité de tous les êtres, je crois qu’un corps n’est qu’une parure, le souvenir, plus ou moins emmêlé, je le porte en moi – Pourquoi je peins des tombes et beaucoup de choses semblables ? – parce que tout ça continue à vivre au plus profond de moi-même.» 
Autoportrait la main à la joue - 1910 - Egon Schiele

Conjuration de la mort par allégories, dans ses toiles Schiele se met en scène au cœur d’un vide pathologique et froid, s’enveloppe des couleurs verdâtres des putréfactions de la chair, se pare d’infâmes moignons, s’inflige les plus abjectes amputations et scarifications qui exhalent les tombeaux. 

La chair est dépouillée, mise à nue dans toute sa complexité et sa fragilité, évoquées par de douloureuses contorsions du corps dont la transparence de la peau est révélée par de mornes teintes bleutées, brunes, vertes et rouges, qui traduisent à la fois sa force vitale, muscles et veines irrigués, et sa fin tragique alors qu’il semble déjà disséqué par le scalpel d’un médecin légiste.

Les yeux clos, de celle qui semble dormir paisiblement, l’esprit déjà ailleurs, le corps dénudé, squelettique, dont les seins encore lourds et pleins témoignent d’une sensualité passée, les mains aux doigts effilés, phalanges décharnées et sanglantes, jointes en une prière, la Jeune femme morte, bouleverse par la charge d’érotisme macabre que le peintre transmet non sans laisser poindre quelque jeu pervers et récurrent, tantôt exhibitionniste, tantôt voyeur.

« Son art […] ignore le sourire ; il nous aborde avec un ignoble rictus, qui fait froid dans le dos. En un certain sens, cet Egon Schiele est un moraliste à la peinture lourde de menaces. La vision  qu’il nous donne du vice dans ses œuvres n’a rien d‘attirant ni certes de séduisant. Il se délecte dans une orgie de couleurs – les couleurs de la putréfaction», observa en mars 1918 un critique autrichien.

Jamais épanouie, innocente, fraîche ou joyeuse, rarement comblée d’extase ou de tendresse, semble affirmer Schiele, la chair est triste et puis elle meurt.

Egon Schiele Narcisse Ecorché, Jean-Louis Gaillemin (Ed. Gallimard, Arts)
Egon Schiele, Erwin Mitsch (Ed. Phaidon) 

dimanche 19 octobre 2008

Rivron: la chair de La Chair


Femme nue allongée aux bas noirs - 1911 - Egon Schiele
« Pas les couleurs mais la mélodie que de l’une à l’autre elles appellent, pas les formes mais l’improbable corps qu’elles cherchent à travers l’infini d’une arbitraire étendue et le corps cherché où est-il ? […]
Car la chair n’est que le devin d’elle-même, et les os qui dans le haut du dessin s’énumèrent et les flammes qui leur répondent en bas signifient cette alchimie de matière où le devin ne vit plus que son corps comme de l’orifice de sa bière sans autre destin que d’avoir corps. Et la prophétie n’est plus que ce trajet de stature où l’âme sanguinolente s’écorche et verdit de la tête aux pieds »
Dépendre corps – L’amour unique, in Œuvres, Antonin Artaud (Ed. Gallimard, Quarto)

La Chair, fruit de jouissances et souffrances crues, mises à nues, est une œuvre pétrie d’un sacré sang mêlé qui s’échauffe et s’enflamme dans les veines, se consume et se consomme dans le sexe, seul ou accompagné, à deux ou plusieurs si affinités, avec ou sans extase, dans les peep-show ou dans les clubs échangistes, à même le sol ou sur la table de la cuisine, dans un bordel péruvien du Callao ou sur une plage de Barcelone, avant, pendant ou après le mariage, avec ou sans alliance, avec ou sans passion, avec ou sans foi…
« Ah ! Les turpitudes du sexe. »
Premiers mots du roman de Serge Rivron, extraits de pages arrachées, sans doute par une main prête à en nourrir le feu qui brûle et qui crépite dans l'âtre de l'âme, dont les flammes aux lueurs incandescentes à faire vibrer profondément se reflètent déjà sur cette toile faite chair, aux veinules bleutées qui s’enchevêtrent en une bouleversante masse organique. Un tableau pornographique, poétique et mystique à la fois.
« Est-ce qu’il y a bien une marine là-dedans, oui ou non, ou bien est-ce simplement une sorte de lèpre dessinée pour suggérer l’organique ? – une marine sombre contre une chair lépreuse… »
Michel, l’homme de La Chair aime la peinture. « On ne se refait pas ». La fatalité...

Il faut croire que ce sont des fresques - de Saint-Michel, la création du monde et de ce Judas pendu face au «démon, cornu et griffu» qui lui arrache «des entrailles un enfant nu (l'âme, selon Paul)» - découvertes dans une petite église du XVe siècle lorsqu’il était enfant, qui ont fait naître en lui au moins le goût de l’art…

Un drôle de bonhomme que ce peintre, devenu pubard, âgé d’une trentaine d’année qui traîne son mal de vivre au début des années 80, en bon spécimen de la génération sida.

Il est né, cet enfant « qui ne voulait pas naître », quand son père, qui l’avait attendu tel le messie, était mort depuis quelque temps déjà, au combat en Algérie. Sa mère Marie était « restée discrète sur les dates ».


Mère morte - 1910 - Egon Schiele
Obscures étaient nombre d'histoires contées par Marie. Dans l’esprit de l’enfant avaient résonné ses mots désespérés et flous.

« Tu peux crever pour eux.
Tu peux ressusciter.
Les hommes, tu les rends pas meilleurs »

« Elle insistait tellement à ne pas planter de décor… dans la brume… c’est là qu’il habitait l’Archange », avait confié Michel dans ses pages arrachées… de son maudit livre de chair malade.

 Elle détenait un secret Marie, lourd à porter toutes ces années durant, impossible à confier ni à son fils, ni à personne. Elle  se demandait d’ailleurs souvent « comment elle pourra dire ça un jour à quelqu’un qui ne l’a pas connue avant, sans passer pour une menteuse ou pour une folle ».

la maison des fous, elle séjournera, elle n’y échappera pas. Coulent les larmes irrépressibles sur les destins inexorables. « J’ai trop de feu dedans, pas vous ?», lâche le dément dont le phrasé rappelle celui du Momo de Rodez.

Marie se demande si la folie les « a pris au hasard » ou bien « rôde-t-elle en chacun, prête à tout instant à nous grimer en délirant pantin de chair ?» Pas si folle la mère,  juste l’esprit en fuite devant le cauchemar, devant les démons... sauf possession. Pas exclus après tout.

« Dans quel sang marcher ? » marmonne Marie. « Quelle bête faut-il adorer ? » Elle se le demande.

La tentation, le péché, le mensonge, la démence… s’élaborent dans la chair.

«Le goût du sexe». Marie le redécouvrit avec son second époux qui réveilla sa chair endormie. Michel avait grandi et n'allait pas tarder à y succomber à son tour. Son désir de jouir avait été précoce. L'heure venue, sa jouissance avait été dramatiquement contrastée. Il avait découvert successivement, en un seul et même après-midi, une relation homosexuelle, consentie et développée en une tendre masturbation mutuelle, avant d’être victime d'une fille plus âgée et brutale qui lui fit connaître la complexité du plaisir dans la perversité du désir - à moins que ce ne soit l’inverse, ou les deux à la fois - l’assouvissement d’une jouissance puisée crue dans son propre viol, l'ivresse de l'avilissement flirtant aux frontières du morbide.

Nul n'est innocent. Faut croire.

Vénal aussi était devenu cet homme qui soutint cette étrange sentence : 
« J’aimais l’argent. Il faudrait être Saint. Les questions d’idéal sont ce qu’il y a de plus fragile en nous (…) Qui n’est pas un Saint est un tricheur. Jusqu’à l’abaissement. Jusqu’à la vomissure. »
De son propre mariage, Michel ne fut guère prolixe. Il aura eu une fille, Elodie, chair de sa chair dont il se soucia finalement peu, qui lui rappellera à sa façon ses liens charnels, ses liens du sang. Elle l'obligera à ne pas les oublier, ni elle, ni Marie.
« Toutes folles, complètement folles, toutes autour de lui, un abandon complet, tout seul au milieu des cinglées, elles n’en finiront pas de nous chasser du Paradis, le Paradis, tu parles ! »
Michel  ne s’est pas tué, non qu’il n’ait flirté avec l’idée, seulement il avait trouvé des tas de bonnes raisons de ne pas se laisser aller au suicide dont deux fortement convaincantes parmi tout une longue liste retrouvée dans ses pages arrachées. Il n’en avait pas délibérément terminé avec l’existence, d’abord parce qu’il entretenait « des rapports conflictuels avec l’absolu », ah! Et surtout parce qu’il « n’étai[t] pas né. »

Il ne manquait pas d'humour, ni de cynisme.

Femme nue - 1910 - Egon Schiele
En revanche, il s’était détourné du devoir conjugal, avant de déserter son foyer pour s’installer seul à Paris, ville de la tentation par excellence. La capitale « sentait bien trop la chair à prendre, la concupiscence lascive », dont émanait « tous les désirs du monde », qui suintaient « comme un chant de sirène la sujétion d’être Homme ».

Pas à son premier ni dernier paradoxe, Michel s’adonnera là pourtant au plaisir onaniste, jouira de sa seule chair en se contentant de reluquer de jolis culs payés. Il s'était embarqué dans une pathétique quête d’accomplissement d’«un je ne sais quoi d’inaccompli», menée au petit bonheur la chance dans des peep-show parisiens.

Quand enfin sa chair allait pouvoir exulter, tentée à nouveau de façon inattendue par le contact, la pénétration d’une autre chair, celle de cette créature «aux cheveux d’oisive» qui avait au premier abord «tout de la femme du joueur de golf» qu'elle était. Claire fut sa première passion.

Elle lui révèla « la chair, la vraie, celle qu’on peut toucher, qu’on a envie de respirer, d’entendre bruire. La chair qu’on ne se contente pas de désirer, qui peut désirer en retour […] ».

Alors comme le père, ce sacré père «avait bien éparpillé sa chair» … il y avait « largement de quoi rire » et de quoi pleurer dans toute cette histoire de «chairs de la chair», dans cette densité charnelle, au coeur de toutes ces pages arrachées, à l'écriture sanguine, à la langue riche en amour, au verbe ardent et clair.

« Et ça pouvait bien finir tout autrement... »

Michel était-il un tricheur ? Marie était-elle une Sainte ?

La Chair, Serge Rivron (Ed. Huguet, Les soeurs océanes)